Les antimicrobiens sont des médicaments utilisés pour prévenir et traiter les infections chez les êtres humains, les animaux ou les végétaux tels que les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques et les antiparasitaires. Pour leur part, les antibiotiques sont des médicaments utilisés pour prévenir et traiter les infections bactériennes.
Depuis de nombreuses années déjà, les organisations mondiales de santé publique mentionnent toutes l’importance de faire une utilisation judicieuse des antimicrobiens. En effet, une augmentation de la résistance aux antimicrobiens a été notée partout dans le monde, tant en santé animale qu’humaine. Ceci est très préoccupant.
La résistance aux antimicrobiens
L’Organisation mondiale de la santé indique que la résistance aux antimicrobiens survient lorsque les bactéries, les virus, les champignons et les parasites évoluent au cours du temps et ne répondent plus aux médicaments, rendant plus complexe le traitement des infections et augmentant le risque de propagation, de forme grave de la maladie et de décès.
Du fait de la résistance aux antimicrobiens, les antibiotiques et autres médicaments antimicrobiens perdent leur efficacité et les infections deviennent de plus en plus difficiles, voire impossibles à traiter.
L’utilisation abusive et excessive des antimicrobiens est le principal facteur ayant conduit à l’apparition de pathogènes résistants aux médicaments.
Qu’est-ce qu’une utilisation judicieuse des antimicrobiens?
Les professionnels et autres intervenants impliqués dans les domaines de la santé animale et de la santé humaine doivent tenir compte des conséquences de l’utilisation des antimicrobiens tant chez les animaux que chez les humains. Ils doivent prendre les mesures nécessaires afin :
- d’optimiser l’utilisation des antimicrobiens;
- de maximiser les effets des antimicrobiens sur la santé et de minimiser ceux sur l’environnement;
- de minimiser les probabilités de développement de la résistance antimicrobienne.
Pour ce faire, le professionnel de la santé qui prescrit un antibiotique doit d’abord s’assurer de la nécessité de le faire, mais aussi que le bon antibiotique soit administré au bon patient, selon la bonne dose, au bon moment et pendant la bonne durée.
La prévention : au cœur de la stratégie
Il y a un certain nombre de moyens pour limiter le développement de l’antibiorésistance, par exemple la prévention et la maîtrise des infections (vaccination, mesures de biosécurité et gestion des troupeaux), la diminution globale de l’utilisation des antibiotiques et l’amélioration de leur utilisation.
De plus, la recherche doit se poursuivre pour concevoir et créer de nouveaux outils de diagnostic et de nouvelles méthodes de prévention et de traitement de même que pour mettre au point des médicaments efficaces contre des bactéries résistantes.
Le rôle des médecins vétérinaires
Les médecins vétérinaires, de par leur rôle dans la prévention et le diagnostic de maladies animales ainsi que dans la prescription, la vente et la distribution des médicaments vétérinaires, sont très concernés lorsqu’on parle de résistance aux antimicrobiens.
Santé Canada a procédé à la catégorisation des médicaments antimicrobiens basée sur leur importance en médecine humaine. Saviez-vous que plusieurs des médicaments de la catégorie I (très haute importance) sont aussi utilisés en médecine vétérinaire? D’ailleurs, afin de contribuer à réduire la résistance aux antimicrobiens, des règlements provinciaux ont été mis en place pour encadrer l’utilisation des antibiotiques d’importance humaine chez les animaux de consommation. Il est interdit de les utiliser de manière préventive et les médecins vétérinaires doivent considérer toutes les autres options possibles avant d’en faire la prescription pour des animaux malades.
L’utilisation appropriée des antimicrobiens est essentielle, autant dans le secteur agricole pour protéger leur efficacité sans compromettre ni la santé et le bien-être des animaux ni la salubrité des aliments, que du côté des animaux de compagnie, où la grande promiscuité physique entre les animaux et les humains peut être un facteur de risque pour la transmission de microorganismes résistants aux antimicrobiens.
Au-delà des médecins vétérinaires, qui est concerné?
Tout le monde! En premier lieu, les professionnels et intervenants de la santé humaine doivent tenir compte de considérations similaires à celles des médecins vétérinaires lorsqu’ils prescrivent des médicaments à leurs patients.
Une approche multidisciplinaire est essentielle, car les santés humaine, animale et environnementale sont interreliées. Il est donc important que les acteurs intervenant en santé humaine et en santé animale :
- remplissent leur rôle avec rigueur;
- gardent leurs connaissances à jour en matière d’utilisation judicieuse des antimicrobiens;
- échangent leurs connaissances et l’information qu’ils détiennent, notamment par la mise sur pied d’équipes multidisciplinaires, et ce, en vue d’établir des stratégies gagnantes en matière d’antibiogouvernance*.
Au-delà des professionnels de la santé, tout un chacun devrait se sentir concerné par l’enjeu de la résistance aux antimicrobiens. Personne n’est à l’abri de développer une infection résistante aux médicaments.
Chaque individu peut contribuer à la réduction de l’utilisation des antimicrobiens :
- en adoptant des mesures de prévention adéquates pour éviter de développer une infection;
- en suivant les conseils des professionnels de la santé;
- en suivant de façon rigoureuse la posologie d’un médicament.
POSITIONS ET RECOMMANDATIONS :
La résistance aux antimicrobiens étant un enjeu prioritaire en matière de santé animale et humaine, l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec :
- Considère qu’une utilisation judicieuse des antimicrobiens est essentielle afin de protéger la santé et le bien-être des animaux et des humains.
- Appuie l’utilisation judicieuse des antimicrobiens par les prescripteurs, et considère qu’une évaluation médicale des risques et des bienfaits doit être réalisée avant d’y avoir recours.
- Soutient que – lorsque la prescription est envisagée – le prescripteur doit s’assurer des éléments suivants :
- le bien-fondé de la prescription,
- le choix de l’antimicrobien approprié,
- son utilisation au moment opportun,
- selon la dose nécessaire,
- par la bonne voie d’administration,
- pour la durée indiquée en tenant compte de la période de retrait et pour les animaux visés s’il y a lieu.
- Encourage les médecins vétérinaires à prêter une attention particulière à l’utilisation des antibiotiques de très haute importance en médecine humaine et à éviter leur usage lorsqu’un antibiotique d’une catégorie moindre est disponible et efficace.
- Considère que la relation vétérinaire-client-patient ou médecin-patient permet au médecin vétérinaire ou au médecin d’assumer son rôle d’éducateur et de conseiller sa clientèle en ce qui concerne l’emploi judicieux des antimicrobiens.
- Met en garde les membres du public contre les effets néfastes liés à la vente et à la distribution illégale et sans surveillance par un professionnel autorisé d’antimicrobiens pour usage animal.
- Appuie la mise en place de nouvelles pratiques, de nouvelles conditions d’élevage et de toute solution susceptible de diminuer les risques de maladies et d’infections bactériennes et de réduire le besoin de recourir aux antimicrobiens.
- Appuie les initiatives d’antibiogouvernance* dans les milieux vétérinaire, bioalimentaire et de la santé humaine en encourageant leur révision régulière et leur amélioration continue afin de préserver l’efficacité des antimicrobiens dans le traitement des animaux et des humains.
- Appuie la mise en place de systèmes de surveillance obligatoires en matière d’utilisation des antimicrobiens chez les animaux au Québec, tout en respectant les obligations déontologiques du médecin vétérinaire en matière de secret professionnel.
Adopté par le C. A. le 27 avril 2021.
* Antibiogouvernance : mise en place de programmes qui mettent l’accent sur l’éducation, la sensibilisation et la supervision réglementaire afin de réduire la prescription, la distribution et l’utilisation inappropriée d’antimicrobiens chez les humains et les animaux et de promouvoir d’autres moyens de favoriser la santé et de prévenir les infections.